Retour au 90 km/h en Ardèche : « La politique de sécurité routière doit s’adapter aux réalités de terrain »

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Olivier Amrane est président du Conseil départemental de l’Ardèche. L’un de ces sept courageux présidents qui ont renoncé au 80 pour rehausser la vitesse à 90 km/h sur l’intégralité de son réseau routier… Déjà interrogé par nos soins en 2023 pour expliquer sa démarche, il nous a fait l’honneur de participer au colloque que la LDC a organisé en mars 2024 à l’Assemblée nationale sur le thème de la sécurité routière. Sa position contre le 80, il a continué à la défendre devant les parlementaires, les journalistes et nos invités, comme le montrent ses réponses aux questions qui lui ont été posées à cette occasion.

Pourquoi avoir rétabli le 90 km/h en Ardèche ?

L’Ardèche est un territoire rural par essence : pas d’aéroport, pas d’autoroute, pas de train de voyageurs. Notre besoin en véhicules est vital, et 85 % des Ardéchois ont au moins un véhicule. Certains font entre 30 et 50 kilomètres par jour pour aller au travail. Le retour à 90 km/h, c’était une promesse de campagne. Il est important de tenir ses engagements par rapport à la parole publique.

Quel bilan tirez-vous du passage au 80 km/h ?

Il est assez fluctuant. Mon prédécesseur, par obligation gouvernementale, avait passé le réseau à 80 km/h. On a eu un pic de 26 morts juste après, ce qui est toujours trop. Mais ces décès étaient liés principalement à la prise de stupéfiants et à l’alcool, pas à la vitesse. Quand nous sommes passés à 90 km/h, on a eu 24 morts.  Quand on en parle avec les services de l’État, notamment les gendarmes ou la police, ceux dont la mort était liée à la vitesse n’étaient pas à 90, mais à 120 ou 140 km/h. Si on doit revenir sur notre volonté politique de ramener le réseau à 90, c’est avant tout pour laisser respirer nos territoires. Cette vision du 80 km/h est très parisienne et déconnectée de nos réalités. La politique de sécurité routière doit s’adapter aux réalités de terrain.

Est-ce que ça a été compliqué de repasser à 90 km/h ?

Nous avons subi beaucoup de pression, à commencer de la part des services de l’État. Ils nous ont menacés d’éventuels recours d’associations, nous disant « de toute façon, vous ne repasserez pas tout le département à 90 ». Je leur ai répondu : « Vous pouvez faire ce que vous voulez, votre avis est consultatif, notre décision est prise. » Nous avons monté un dossier béton, avec mon vice-président Jean-Paul Vallon, et nous avons identifié 172 portions accidentogènes sur les 3 800 kilomètres de voiries. Ces 600 kilomètres de portions accidentogènes sont restées à une limitation inférieure, car de toute façon, on ne roulera jamais à 90, ni à 80, ni à 70 sur ces portions.

Sur quels soutiens vous êtes-vous appuyé ?

D’abord, sur la connaissance de nos routes et nos investissements. Ensuite, sur l’opinion publique : 75 à 76 % des Ardéchois étaient favorables au retour au 90. Même les routiers se plaignaient du 80, qui créait des bouchons et empêchait les dépassements sécurisés.

Est-ce que vous pensez qu’il est préférable pour un département, pour la compréhension des automobilistes, de repasser tout son réseau à 90 plutôt que des portions ?

Bien sûr. Sur le comportement des usagers, c’est fondamental. Il y a la lisibilité : on ne peut pas continuer à avoir un département avec des zones à 30, 50, 70, 80, 90, 110… On n’y comprend rien. Les spécialistes sont clairs sur le sujet : avoir des paliers de 20 km/h, ça permet d’avoir une vraie vision des choses et une compréhension du territoire. Ça coûte aussi moins cher de tout passer à 90, car on a juste les panneaux à l’entrée et à la sortie du département.

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