Entretien des véhicules : « Il faut faire preuve de pédagogie et informer »

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Face aux défis technologiques et aux tensions croissantes entre usagers, Karine Bonnet, directrice générale de Dekra Automotive, plaide pour une approche globale pour améliorer la sécurité routière : prévention, pédagogie et formation continue. Son analyse, énoncée lors du colloque de la Ligue de Défense des Conducteurs à l’Assemblée nationale en mars 2024, est à découvrir ci-dessous.

Est-ce que les voitures en circulation aujourd’hui offrent la même sécurité qu’au moment où elles sont sorties de l’usine ?

Le parc roulant vieillit de plus en plus, il a un peu plus de douze ans. Le contrôle technique est là pour voir si le véhicule est bien entretenu, ne présente pas de défaillances ni de danger immédiat ou différé. On oublie souvent l’axe préventif du contrôle technique, avec les défaillances mineures qui sont notées pour alerter l’automobiliste sur l’entretien à faire sur son véhicule avant que ça ne se dégrade. Aujourd’hui il y a 20 % de contre-visites en France sur la vingtaine de millions de contrôles techniques périodiques qui ont été passés en 2023. Mais à peu près moins de 1 %, seulement, de contre-visites critiques.

Qu’est-ce qui empêche de circuler après le jour du contrôle technique ?

Normalement vous avez jusqu’à minuit le jour même du contrôle technique pour circuler, puis vous avez deux mois pour faire vos réparations. Mais dans l’intervalle, vous êtes censé ne pas circuler. Les contre-visites consistent essentiellement dans l’état des pneus, la visibilité (l’éclairage c’est important, voir et être vu c’est essentiel, donc c’est l’état des feux de croisement), ainsi que les freins. Ce sont les défaillances qui reviennent le plus souvent.

Est-ce que les gens connaissent leur profondeur légale ?

Non je pense que les gens ne la connaissent pas et c’est une question de pédagogie, de sensibilisation, de prévention… On en parlera tout à l’heure : l’humain et la prévention c’est essentiel. Il faut faire preuve de pédagogie et informer. Il y a les auto-écoles qui sont là pour former à la conduite, mais il y a aussi une responsabilité de la part des concessionnaires automobiles, quand ils livrent un nouveau véhicule à quelqu’un, d’expliquer aussi les choses… On parlait tout à l’heure des régulateurs, mais c’est pareil pour les pneus. Je pense que la pédagogie est toujours essentielle parce que si on veut un respect du code de la route, des autres, d’autrui et de la loi, il faut qu’on comprenne, qu’on accepte.

Est-ce que l’on sait ce que représentent les défaillances des véhicules dans la proportion des accidents de la route et dans la mortalité routière globale ?

C’est toujours un sujet délicat, parce que finalement les accidents de la route mélangent plusieurs facteurs qui sont soit déclenchants soit aggravants. On peut mentionner l’humain, la technologie embarquée dans le véhicule, le véhicule en lui-même et son entretien et puis les infrastructures routières. Au-delà de l’état des routes et de leur entretien, il y a également la question de savoir s’il y a de la visibilité, s’il y a des voies bien réservées. Certaines études d’assurance disent effectivement que dans 30 % des cas il y a un problème mécanique, mais ce n’est pas souvent le facteur déclenchant. Ça peut être aussi le facteur aggravant.

Les gens ont du mal à boucler les fins de mois, est-ce qu’ils continuent à entretenir leur véhicule aussi bien qu’ils le faisaient il y a quelques années ?

Je pense que oui. Les véhicules sont quand même mieux entretenus qu’avant. Par exemple, on voit moins de véhicules borgnes qui circulent sur nos routes, parce que c’est facile de changer une ampoule… Quoiqu’avec les nouvelles voitures, ce n’est pas si facile que ça, il faut démonter toute l’optique. Je pense que les véhicules sont en meilleur état de circulation. Il y a encore quelques épaves roulantes, après la problématique pour moi, c’est plus le fait que le parc soit hétérogène. Tout le monde n’a pas de véhicule neuf.

Votre entreprise est mondiale, vous avez des observateurs de sécurité routière qui vous permettent d’identifier les meilleurs exemples des pays voisins… Pouvez-vous nous indiquer de bonnes pratiques qui vous semblent peut-être insuffisamment exploitées en France ?

En Nouvelle-Zélande, le permis est progressif, le code de la route est progressif. C’est-à-dire qu’on a des périodes probatoires, de la formation, des examens, délivrés par des opérateurs privés. En fonction de son expérience, au départ on a le droit de conduire la semaine, après c’est le week-end, après c’est quand il fait nuit. C’est quelque chose qui pourrait être adapté en France : avoir un apprentissage un peu plus sur le long-cours de l’expérience de la conduite avec des auto-écoles. Il y a aussi les auto-écoles accompagnant les « primo-accédants » au permis sur six mois, voire deux ou trois ans. Ce sont des périodes probatoires, avec des évaluations intermédiaires.

Dans vos études vous faites parfois des choses un peu surprenantes. Il y en a une récente que l’on avait évoquée ensemble, écouter du hard rock c’est peut-être moins bon pour la sécurité routière que d’écouter de la musique douce au volant.

Encore une fois, notre objectif ce n’est pas de culpabiliser qui que ce soit et de ne pas mettre dos à dos l’ensemble des usagers de la route. Mais effectivement, dans les sources de distraction, il y a la musique. Il y a une étude très sérieuse qui a été faite en Suisse, il a été prouvé, avec des médecins, que le type de musique qu’on écoute en voiture peut avoir une influence sur notre comportement. Car la musique déclenche des émotions, émotions qui peuvent être différentes d’un individu à l’autre. Il y a d’autres sources de distraction. On parlait des smartphones, des GPS, des régulateurs-limiteurs de vitesse… Tous ces systèmes embarqués sont super intelligents, mais ils ne doivent pas pour autant baisser la vigilance de chacun d’entre nous.

Pourquoi menez-vous ces études sur la sécurité routière ?

Notre métier d’origine, c’est le contrôle technique. Tous ces rapports de sécurité routière sont réalisés avec l’ensemble de nos ingénieurs qui interviennent sur ce sujet. Nous avons des laboratoires pour nos crash-tests, nous avons aussi un partenariat avec l’Allemagne avec l’ADAC, l’automobile-club allemand. Nous aussi, nous appartenons à une association allemande de transporteurs routiers. Nous intervenons donc auprès des élus locaux ou nationaux, des fédérations, des associations de l’ensemble des pays où nous sommes présents.

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